Arnaud Claass    

 

 

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En photographie, les œuvres explorant les zones périurbaines des grandes villes sont légion, elles ont même donné naissance à une forme nouvelle d’académisme qui traîne dans d’innombrables écoles d’art. Mais celles qui traitent véritablement de ce qu’il advient de la campagne telle qu’elle se survit encore dans les valeurs collectives, ne serait-ce que sous des formes avilies, sont plus rares, parce qu’elles s’adressent à des registres de visibilité marqués par une imprégnation culturelle dont le démontage est plus malaisé que le énième annoncé des solitudes de la banlieue déserte.
Transmettre les restes de la beauté du paysage sans tenter désespérément de maintenir une effusion naïve exige des détours — au sens figuré, mais aussi au sens propre. Dans les livres d’un photographe-marcheur fortement inspiré par la littérature comme Thierry Girard, les successions de paysages à ciel ouvert sont souvent interrompues par des images prises à l’abri de modestes futaies, au cadrage parfois serré jusqu’à l’enfouissement dans les branchages. Régulièrement, la narration géophotographique est scandée par ces vues de ruisseaux, de coupes forestières, de taillis. Ces photographies de « transition » (qui prennent en réalité autant d’importance que les visions larges) ne font pas seulement signe vers la catégorie du pittoresque. Bien qu’elles montrent les détails d’une végétation anarchique ou grossièrement éclaircie, elles offrent au marcheur des moments-refuges. A bonne distance de « l’harmonie du sous-bois », elles en constituent pourtant l’écho lointain. Elles apparaissent comme des évocations de la valeur défunte de la futaie comme protection maternelle et repos, qui subsiste encore vaguement dans ces fragments résiduels que sont les bosquets survivants, les haies épargnées servant de dernier refuge aux oiseaux, et autre lambeaux de nature «libre », tandis que les paysages à ciel ouvert livrés au rendement semblent perdurer comme les gardiens de leur propre musée imaginaire.
Ce sont des lieux où semble encore s’ouvrir un topos non affilié aux « territoires de liaison calculée » - ainsi Jean-Pierre Vernant nomme-t-il les espace de l’antiquité peu à peu investis par l’échange économique et les voies de communication.
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© Arnaud Claass, 2012.

Texte publié dans Le Réel de la photographie pp 303-304 (éditions Filigranes, Paris 2012).
Arnaud Claass est photographe, ancien enseignant à l’Ecole nationale supérieure de la photographie à Arles. Il mène parallèlement un travail de réflexion théorique et critique sur la photographie.

 

 
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